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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
19 septembre 2016

Les clés de voûte de l'ancienne église des Célestins à Metz

 

Les clés de voûte de l’ancienne église des Célestins à Metz

Des trésors dignes d’expositions internationales

 

par Anne Adrian

 conservateur du patrimoine, musée de la Cour d’Or - Metz Métropole.

 

En 1978, ces quatre magnifiques sculptures du XIVe siècle figuraient à l’exposition Die Parler und der schöne Stil 1350-1400. Europäische Kunst unter der Luxemburgern, organisée par le Musée Schnütgen à la Kunsthalle de Cologne. Cette exposition célébrant le 600e anniversaire de la mort de l’empereur Charles IV (1346-1378), représentait aussi l’aboutissement d’un ambitieux programme de recherches scientifiques internationales portant sur l’art au temps de la dynastie d’architectes et sculpteurs ayant œuvré sous la commande de Charles IV, à la suite de Peter Parler, actif à Prague et architecte attitré de l’empereur. Les clés de voûte du musée de Metz étaient présentées à Cologne comme les témoins de développements stylistiques imprégnés des courants artistiques florissant à l’époque de Charles IV. Le choix de montrer ces sculptures dans l’exposition colonaise, aux côtés d’œuvres prestigieuses empruntées à de grands musées européens d’art médiéval, les révéla aux yeux des connaisseurs, tandis que le prêt des quatre clés de voûte au Musée du Louvre en 1964, à l’exposition Cent chefs-d’œuvre de sculpture, puis de deux d’entre elles à Tokyo et à Auckland en 1972, pour L’Art du Moyen Âge en France, leur avait conféré le statut d’œuvres majeures.

 

prophétie de la Sybille

 La prophétie de la Sibylle de Tibur à l’empereur Auguste

Inv. 3323 (diamètre 56 c m, profondeur 16 cm)

@Jennifer Vatelot, restaurateur du patrimoine.

 


apocalypse

La Vierge de l’Apocalypse

Inv. 3321 (diamètre 57 cm, profondeur 13 cm)

@Jennifer Vatelot.

 

couronnement

Le Couronnement de la Vierge par le Christ

Inv. 3322 (diamètre 56 cm, profondeur 16 cm)

@Jennifer Vatelot.

 

sainte Catherine

Sainte non identifiée et sainte Catherine

Inv. 3324 (diamètre 52 cm, profondeur 18,5 cm)

@Jennifer Vatelot.

 

Sauvées de la destruction de l’église des Célestins -située rue de la Gendarmerie- en 1861, les quatre clés de voûte furent alors données au musée de la ville, comptant ainsi au nombre des sculptures les plus anciennement acquises. Parue cette même année dans les Mémoires de l’Académie Impériale de Metz, une Notice sur le Couvent des Célestins de Metz rédigée par M. E. de Bouteiller en témoigne : « Les clés de voûte étaient, pour la plupart, ornées de jolis médaillons à personnages d’un très-bon style. Quatre ont été sauvés, grâce à l’exquise bienveillance de MM. les officiers placés à la tête de l’arsenal. Ils ont été apportés au musée archéologique de la ville (…).

 

[Illustration] Plan de l’Arsenal du Génie et de la Gendarmerie en 1861, publié par M. E. deBouteiller.

 

Trois clés formaient un cycle dédié à la Vierge, dans cet ordre supposé de placement d’ouest en est, à la voûte de l’église : la prophétie de la Sibylle de Tibur à l’empereur Auguste, lui annonçant la naissance d’un roi plus puissant que lui ; la Vierge allaitant l’Enfant, dite de l’Apocalypse selon la Vision de saint Jean, couronnée de douze étoiles, siégeant au centre du Soleil et la Lune à ses pieds ; enfin le Couronnement de la Vierge, ici par le Christ.

La présence de la Vierge dans la parure monumentale de l’église tire son origine de l’histoire d’une petite chapelle fondée par le patricien messin Bertrand le Hungre en 1367, qui devint rapidement le siège de l’ordre des Célestins avec l’installation de moines et l’édification, à partir de 1371, d’une église-halle longue de six travées. La consécration de l’église en 1374 par Thierry Bayer de Boppart, installé par l’empereur Charles IV comme évêque de Metz de 1365 à 1384 pour assurer la sécurité de la périphérie occidentale de l’Empire, suggère que le chœur devait alors être voûté et les clés déjà sculptées et mises en place.

La quatrième clé de voûte parvenue jusqu’à nous n’appartenait pas à ce cycle et occupait peut-être un emplacement à la voûte d’un bas-côté de la nef de l’église. De moindres dimensions en effet que les trois autres, elle représente deux saintes jusqu’à présent identifiées à sainte Barbe pour celle de gauche, et à sainte Catherine pour la figure féminine sculptée dans la partie droite du médaillon. Cette dernière est bien sainte Catherine tenant les instruments de son martyre, la roue et l’épée qui la décapita sur ordre de l’empereur Maximien, après l’échec du supplice de la roue brisée par la foudre divine. En revanche, l’identification de l’autre sainte à la patronne du pays messin n’est pas convaincante. En effet, l’objet qu’elle tient dans la main gauche évoque moins une tour -objet symbolique du destin de sainte Barbe emprisonnée par son père pour avoir refusé le mariage- que le pot à onguent d’une sainte Madeleine. Pour autant, Madeleine n’est jamais représentée voilée, ni tenant une croix, objet devenu plus lisible avec la récente restauration de ces sculptures.

 

Une exceptionnelle polychromie médiévale

Sculptées en bas-relief dans la pierre de Jaumont, ces œuvres présentent une polychromie encore bien conservée, quoique lacunaire.

En 2013, à l’occasion d’une exposition temporaire consacrée au manuscrit de Gruuthuse, le plus ancien recueil de chansons des Pays-Bas daté vers 1395-1408, traitant en particulier du culte et de l’idéalisation de la Vierge, le musée Gruuthuse de Bruges a souhaité emprunter au musée de la Cour d’Or la clé de voûte ornée de La Vierge de l’Apocalypse. Ce prêt a permis d’initier une opération de conservation de l’ensemble des quatre clés qui ont pu, au retour du prêt, bénéficier d’une restauration. En effet, la délicate polychromie nécessitait une intervention de consolidation, pour permettre à l’œuvre demandée en prêt de voyager sans dommage. Un refixage a donc été effectué par une restauratrice spécialisée en sculptures, à laquelle on a confié de surcroît une étude matérielle et technique des quatre clés de voûte. Cette étude a mis en évidence la grande qualité de la sculpture et de la polychromie de l’ensemble, estimée en grande partie originale.

Une restauration plus approfondie a pu être réalisée en 2014, dont le résultat offre une meilleure lecture des reliefs sculptés, tout en confirmant l’intérêt d’étudier la polychromie. Cette opportunité s’est présentée grâce à l’intervention d’Alexandra Gérard, conservateur du patrimoine et de Nathalie Pingaud, ingénieur au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France qui a procédé à l’analyse des couches de pigments employés, en prélevant deux échantillons sur chaque clé, à l’exception de La Vierge de l’Apocalypse qui en a compté quatre. Il se confirme qu’une seule mise en peinture a été effectuée sur les clés de voûte, qui présentent ainsi un rare exemple, en France, de polychromie du XIVe siècle aussi bien conservée.

 

L’étude matérielle et technique assortie de la restauration marque une étape dans la connaissance de ces œuvres, et permet d’approfondir certaines questions iconographiques et stylistiques encore ouvertes. L’objectif consiste à présent à renouveler le regard sur la tradition rattachant ces sculptures aux maîtres de la sculpture pragoise et colonaise -les Parler ayant aussi beaucoup œuvré dans la région rhénane. Une filiation culturelle peut-être transmise par l’Alsace, est sans doute à considérer, avec la réalité de l’itinérance des sculpteurs à cette époque en Europe centrale. C’est à cette perspective d’étude qu’invite la nouvelle demande de prêt parvenue au musée de la Cour d’Or, pour une exposition que consacreront la Galerie nationale de Prague et le Musée national germanique de Nuremberg, en 2016, aux arts et à la culture à la cour de l’empereur Charles IV. 

 

Cet article est extrait de la revue Chancels 

éditée par la Société des Amis des Arts et du Musée de la Cour d'Or

 

 

 

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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
  • La Société est destinée à promouvoir le Musée de La Cour d'Or à Metz, à favoriser l'enrichissement de ses collections et à encourager les artistes lotharingiens par l'attribution d'un prix, la diffusion de leurs oeuvres et l'édition d'une revue "Chancels".
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