Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
18 janvier 2017

Les Vierges enceintes et allaitantes dans l'art chrétien par Christian Jouffroy

Les Vierges enceintes ou allaitantes dans l'art chrétien

par Christian Jouffroy

 

Vierge enceinte1

Magnifique le ventre qui t'a porté et le sein qui t'a allaité !  Evangile selon Luc, XI, 27.

Cette exclamation d'une mère de Palestine en admiration devant le messie allait inspirer une foule d'artistes chrétiens, surtout au cours des XVe et XVIe siècles.

Et maintenant ? Dans notre société occidentale de ce début du troisième millénaire, la religion a perdu l'importance que lui attribuaient nos aïeux. C'est une évidence que de constater que la relation entre Dieu et l'homme s'amoindrit ou du moins se transforme. Et pourtant, la littérature traitant de la Vierge Marie dans l'art n'a jamais été aussi riche. N'assistons- nous pas à un retour inconscient, à une certaine vénération de la déesse- mère ?

Le sujet a été évoqué dès le début du XXe siècle, en 1911, par J. Hoppenot dans son livre « La sainte Vierge dans la tradition, dans l'art, dans l'âme des saints et notre vie ». En 1938, Maurice Vloberg a publié un premier ouvrage plus spécifique sur l'iconographie mariale qu'il a intitulé « La Vierge notre médiatrice ». Il a complété cette étude en 1939 par une publication en deux tomes sur « La Vierge et l'Enfant dans l'Art Français » qui reste une référence. Quelques années plus tard, Bertrand Guégan a rédigé « Le livre de la Vierge », une compilation de tableaux et poèmes dédiés à la Vierge entre le XIIe et le XXe siècle.

Et le XXIe siècle s'annonce prometteur : après le très bel ouvrage de Kyra Belan « Visages de Vierges du Moyen Age aux Temps Modernes » édité en 2001, Jean Vanier nous a offert en 2003 ses «  Visages de Marie » celui de Mg r Timothy Verdon, chanoine de la cathédrale de Florence, intitulé « La Vierge dans l'art » et celui de Jacques Duquesne « Une femme nommée Marie ». 

La région messine n'a pas la prétention de rivaliser avec les grandes capitales de la culture dans le domaine de l'art religieux. Et pourtant le chanoine Jeunhomme publiait déjà en 1904 dans la Revue ecclésiastique de Metz un article consacré aux « Statues de la Vierge dans le diocèse de Metz ». Il fut suivi par Jean-Julien Barbé qui rédigea en 1944 un texte inti tulé « Images de la Vierge et de l'Enfant Jésus en Moselle », manuscrit resté inédit et conservé aux Archives Départementales de la Moselle sous la cote 18J16.

Tous ces ouvrages, aux textes savants et aux illustrations chatoyantes, évoquent la maternité de Marie, sa grossesse et plus volontiers l'allaitement. Mais le sujet est rarement approfondi, vraisemblablement en raison d'une pudeur face au mystère de la vie dont on imagine difficilement que celui de notre Dieu ait pu être comparable à celui dont nous sommes le fruit. Et rares sont les livres ou articles qui s'intéressent à cet aspect réaliste de la maternité ; tout au plus pouvons-nous citer l'ouvrage de l'abbé Sarette, « Vierges ouvrantes, vierges ouvertes », le texte de G.-H. Luquet « Repré- sentation par transparence de la grossesse dans l'art chrétien », et celui du docteur Benjamin Bord « Les grossesses à enfant visible dans l'art chrétien».

Notre étude n'aura pas d'autre ambition que d'être une nouvelle fenêtre entrouverte sur ce divin sujet. Nous n'envisagerons jamais l'histoire, le plus souvent ignorée, des œuvres citées. Pourquoi ces statues sont arrivées dans ces oratoires souvent modestes ? Quels en furent les commanditaires, riches et éclairés ? Quels pèlerinages s'y développèrent ? Dans quel but ? Sous quelle influence ? Politique ou religieuse ? Crédule ou croyante ? Qui donc est Marie, à la fois la mère et la créature de Dieu ? 

 

Vierge enceinte3

 La grossesse de Marie

Les sources bibliques canoniques sur la grossesse de Marie sont peu nombreuses. Saint Luc, l'apôtre médecin, est le seul à avoir évoqué dans son évangile cette période de l'attente (I, 36-40 et 56-57). Les trois autres évangiles, de Mathieu, Marc et Jean passent totalement sous silence la grossesse de Marie, de même que la Visitation de Marie à Elisabeth. 

Alors qu'il relate le mystère de l'Annonciation, Luc nous donne des repères chronologiques que Jacques complète dans son Protoévangile, vrai- semblablement écrit dans la seconde partie du IIe siècle : quand l'ange Gabriel annonce à Marie qu'elle a été choisie pour concevoir le fils du Très-Haut, il l'informe aussi que sa parente Elisabeth est enceinte de six mois. Il y a donc six mois de différence entre les grossesses des deux femmes. « Ces jours-là », c'est-à-dire peu après cette annonce, Marie se rend chez Elisabeth ; c'est l'épisode de la Visitation. Marie passa les trois mois suivants auprès d'Elisabeth (Protév Je 12,3 ; 15, 1-4 ; 16, 1-3) et « de jour en jour son sein grossissait ». Remplie de crainte, elle retourna chez elle. Elisabeth accoucha dans les jours suivants. Peu après, Joseph rentra du chantier sur lequel il travaillait à Capharnaum. Il découvrit avec stupeur que Marie était au sixième mois de grossesse. Une histoire agréablement illustrée sur une toile peinte par un maître strasbourgeois vers 1420 venant de l'hospice Saint-Marc, et sur un petit dyptique en ivoire du XIVe siècle conservé au musée de Cluny à Paris, intitulé « Le doute de Joseph » et qui le montre appuyant sa main sur le ventre de Marie, alors que Dieu le Père tend vers sa servante deux doigts protecteurs.

 

Le doute de Joseph

Feuillet de dyptique : Le doute de Saint Joseph, XIVème siècle,

Paris, Musée de Cluny-Musée National du Moyen Age 

 

Chissey

Vierge de Chissey (Jura)

La Vierge au lait

La Vierge Marie « divinise le geste de celles qui nous ont de leur lait nourris, par l'offre d'un sein de femme aux lèvres d'un Dieu ». Cette phrase sublime de Maurice Vloberg traduit avec beaucoup de force les senti- ments qui ont pu inciter les artistes, peintres et sculpteurs, à représenter l'allaitement de Jésus. L'iconographie est très fréquente du début du XIVe siècle jusqu'à la fin du XVIe siècle. Pourtant, les sources bibliques sont encore plus réduites que celles qui concernent la grossesse de Marie. Dans les Évangiles canoniques, aucun apôtre ne cite l'allaitement de Jésus par la Vierge. 

L'iconographie est très fréquente du début du XIVe siècle jusqu'à la fin du XVIe siècle. Pourtant, les sources bibliques sont encore plus réduites que celles qui concernent la grossesse de Marie. Dans les Évangiles cano- niques, aucun apôtre ne cite l'allaitement de Jésus par la Vierge.

Il faut donc une nouvelle fois se tourner vers les textes apocryphes pour y découvrir l'inspiration artistique. Et c'est encore le Protoévangile de Jacques (IVe siècle) qui est le plus informatif : on y apprend qu'après la naissance divine, quand la nuée lumineuse partit, apparut un nouveau-né « qui vint prendre le sein de sa mère Marie » 79,2 ; ce qui ne manque pas de nous surprendre quand nous savons que, selon la loi juive, la nouvelle accouchée aurait dû se purifier au préalable. Le récit de la sage-femme juive se complète par celui de Salomé qui ne croit à l'enfantement d'une vierge qu'après avoir placé son doigt dans sa nature.

L'évangile de l'enfance du pseudo Mathieu (VI-VIP siècle) s'étonne qu'une vierge pût allaiter. La sage-femme Zahel raconte 13,3 « Jamais on n'a entendu ni même soupçonné que des seins soient remplis de lait alors que le fils qui vient de naître manifeste la virginité de sa mère ». Ainsi l'allaitement par une femme vierge signe dès le début la divinité de la naissance de Jésus. Ce que le Livre de la nativité de Marie (rédigé probablement à la fin du IXe siècle) prépare : « c'est sans union avec un homme que vierge tu concevras, vierge tu enfanteras, vierge tu nourriras » 9,9. 

 

Vierge3

Photos Philippe Hoch. Vierge allaitante, église Saint Martin à Metz

 

Vierge1

 

Pour lire la suite de cet article 

http://www.latheotokos.it/programmi/LINGUE/FRANCESE/JOUFFROY.pdf 

Publicité
Publicité
Commentaires
Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
  • La Société est destinée à promouvoir le Musée de La Cour d'Or à Metz, à favoriser l'enrichissement de ses collections et à encourager les artistes lotharingiens par l'attribution d'un prix, la diffusion de leurs oeuvres et l'édition d'une revue "Chancels".
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 64 805
Publicité