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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
7 décembre 2017

Nicolas Untersteller, un classique moderne

 

Nicolas Untersteller, un classique moderne

par Marie Gloc

  

Le jeudi 21 décembre 1967, quelques jours après sa mort accidentelle, l’Ecole nationale des beaux-arts de Paris organise un hommage à son directeur, Nicolas Untersteller, né soixante-sept ans auparavant, le 26 mars 1900. La cérémonie s’ouvre par le choral de Bach BWV 22 « O Mensch, bewein dein’Sünde’ gross » et s’achève par l’Apparition de l’Eglise éternelle, d’Olivier Messien . Cette alliance de deux immenses musiciens, l’un fondateur du classicisme en musique, l’autre à la recherche d’une musique nouvelle, sonne comme une allégorie de la peinture de Nicolas Untersteller. Y compris dans son travail administratif, celui qui, comme  directeur de l’école des beaux-arts, avait imposé Rouault, Ossip Zadkine et Giacometti dans les jurys de la très académique institution,  n’a jamais cessé de s’appuyer sur la connaissance de la tradition pour rechercher de nouvelles manières de peindre, tant d’un point de vue esthétique que technique.

Originaire de Stiring-Wendel, alors en Lorraine allemande, il bénéficie grâce à une bourse du Conseil Général de la Moselle, d’une formation à l’Ecole des arts décoratifs de Strasbourg, dont l’objectif est de former des artisans d’art par un apprentissage pratique du dessin, du modelage et de diverses techniques.  Fils d’un peintre en bâtiment, Untersteller y suit les cours de Georg Daubner (1865-1926), peintre paysagiste et décorateur de théâtre. Sa formation se prolonge à Paris à l’Ecole des Beaux-arts dans l’atelier de Paul-Albert  Laurens (1870-1934) au terme de laquelle il obtient le prix de Rome en 1928. Cette formation originale de dix années est décisive pour sa pratique picturale, essentiellement tournée vers l’art mural, alors en plein renouveau.

La Lorraine lui sert de terrain d’expérimentation. Du décor de l’arc triomphal de l’église de Boulange (vers 1932) où, pour évoquer les litanies de la Vierge,  il fait preuve d’un dessin très rond, presqu’ingresque, tout en évoquant la matité et la simplicité des fresques de Piero della Francesca qu’il admire, au chœur de l’église de Ban-Saint-Martin (1935-1948), où la couleur vibre, où les formes sont plus hachées, tranchées, pour une iconographie qui mêle la passion du Christ et la vie liturgique contemporaine, Untersteller a beaucoup donné à la Lorraine, particulièrement à la Moselle pour la Préfecture de laquelle il est chargé d’un grand décor dont une partie a été exposée au pavillon de la Lorraine lors de l’exposition universelle de 1937. On lui doit, dans cette décennie, plusieurs réalisations : Amnéville (1929), Metz (tableau monumental pour la Caisse d'Epargne de Metz (1932) : La Place Saint-Louis),  Senon (chemin de croix, 1935), Etain (esquisse du chemin de croix monumental, 1937, inachevé). Parallèlement, il ouvre un atelier à Metz, 7 place de Chambre, avec Hélène Delaroche son épouse, et expose dans des galeries à Strasbourg (Aktuaryus) et Paris (Galerie Charpentier).

Il est le peintre du monumental comme en témoigne le tableau conservé au musée de Metz représentant Niclausse en train de sculpter son monument commémoratif. La vision est rapprochée, parcellaire. L'homme sculptant est minuscule, comme écrasé par son œuvre encore échafaudée. C’est l’image du labeur, de l’artiste effacé derrière son œuvre. Cette image de l’homme au travail se retrouve dans  le décor de toiles marouflées qui ornait la salle des pas-perdus du Conseil Général. Qu’il soit agriculteur, maraîcher, ouvrier, maître-verrier, bûcheron, Untersteller le représente en mouvement, par la vibration de sa touche.

Mais déjà, dans ces toiles si terrestres, le symbolisme le dispute au réalisme. Ou plutôt s’y conjugue. Accompagnant les scènes agrestes et industrielles, les allégories des rivières qui traversent la Moselle prennent l’allure de femmes généreuses – Maillol et Bourdelle ne sont pas loin -, peintes frontalement sans lien avec le décor qu’elles accompagnent. La Moselle accueille dans ses bras la petite Seille qui court vers elle ; la Sarre est flanquée de deux putti blond et roux, Sarre blanche et Sarre rouge. La référence à la pratique classique des allégories est évidente mais ces femmes sont tout sauf académiques. Elles possèdent la même force que les figures féminines peintes par Ferdinand Hodler dans ses compositions décoratives.

Car la peinture d’Untersteller est une peinture décorative, une peinture du mur, qu’elle accompagne sans le renier. Encouragé sans doute dans cette voie par sa participation au décor de l'église  du Saint-Esprit (Paris, XIIe, 1932-1934) sous la direction de Paul Tournon  et Maurice Denis, il s'attaque, presque seul au transept de l’église Saint-Pierre de Chaillot (Paris, VIIIe, 1938-1949), où dans une sorte de combat de David contre Goliath, l’artiste creuse le mur pour y insérer la couleur. A Saint-Maurice de Gravelle, dans la chapelle des Saints Anges, elle éclate entre bleus et rouges, presqu’un vitrail.

En effet, après peinture murale et fresque, Untersteller s'attelle aux vides du mur. Il réalise les vitraux de l’église de Gravelotte (1947) et les anges monumentaux de Sainte-Thérèse de Montigny-les-Metz (1954), les verrières de la chapelle des conférences Laennec à Paris rue d'Assas (1954) et celles de l'église de Breteuil-sur-Noye (1958). On retrouve dans ces réalisations, les compositions très rythmées  et colorées du peintre.

Bien sûr, il existe des tableaux de chevalet. Ceux de l’intimité, de la famille – ses enfants Marguerite et Louis-Paul, des amis. Ceux des paysages, notamment la Moselle mais aussi ceux rapportés de voyages à l’étranger, lors de son séjour à la Casa Velazquez (1933), ou en Italie, où il croque une marchande de fruits et légumes en pleine rue.

Nommé professeur suppléant de peinture (1936) puis de fresque (1937) à l'Ecole des beaux-arts de Paris, il est professeur à part entière et chef d'atelier à partir de 1941. Dans les années 1950, il  multiplie les décors pour des édifices modernes comme les transatlantiques (paquebot Liberté en 1949, France en 1961), les chambres de commerce reconstruites de Boulogne-sur-Mer et du Havre, plusieurs lycées, l'usine hydroélectrique de La Bathie en Savoie ou la nouvelle gare olympique de Grenoble (1967) dans un style qui va vers toujours plus d'abstraction colorée et rythmée.

Untersteller est-il un artiste lorrain ? Sans doute pas, bien qu’il soit né sur cette terre à laquelle il a beaucoup donné. Une fois parti, au moment de la seconde guerre mondiale, il ne quitte plus Paris et s’installe même en Touraine et ses réalisations toujours plus monumentales expriment un langage universel et une recherche technique permanente. Peindre avec de l'émail, sur du métal, sur des carreaux de lave (Metz, collège universitaire et école des beaux-arts) mais aussi décor et costumes du ballet Hopflog, de Raymond Loucheur, son condisciple à la villa Médicis (1954).

Comme artiste officiel, il n’a bénéficié de la part des critiques d’art que d’une indifférence polie. Tout le monde connaît son nom, mais personne ne sait ce qu’il a peint. Rien à voir bien sûr avec l’art contemporain en germe après 1945. Une première exposition a eu lieu en 2009 à Charenton le Pont, grâce au travail de Mylène Sarant soutenue par le fils du peintre, Louis-Paul  Untersteller et Bruno Foucart, toujours prêt à reconnaître l’intérêt des peintres que l'histoire de l’art officielle oublie.  Il serait temps à présent que la Lorraine rende hommage à cet artiste lorrain de France à qui Robert Schuman avait commandé en 1948, dans le cadre du tricentenaire du traité de Westphalie, un tableau monumental sur ce sujet. Le tableau existe. Les lieux sont là : musée de Metz, Centre Pompidou Metz, abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson. Le cinquantenaire de sa mort approche.

 

 Cet article est extrait de la revue Chancels 2017

éditée par la Société des Amis des Arts et du Musée de la Cour d'Or

 

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