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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
8 juillet 2018

Paul Niclausse par Christiane Pignon-Feller

Paul Niclausse un sculpteur dans sa ville natale

Christiane Pignon-Feller

 

François Paul Niclausse voit le jour au n° 23 de la place Saint-Louis à Metz le 26 mai 1879. Dans la ville annexée depuis 1871 à l’Empire allemand, son père, Constant Nicolas Niclausse, négociant drapier aisé et sa mère Anne-Amélie, originaire de Hombourg Budange, ne prirent pas le chemin de l’exil mais restèrent dans une ville qui fourmillait dorénavant de soldats coiffés de casques à pointe. Après que le petit Paul eut fait ses premiers pas et joué sous les vénérables arcades, en 1882 survint un incident qui allait bouleverser la vie et l’avenir de sa famille. Un journaliste donne sa version de l’événement cinquante années plus tard. « Le grand-père de Paul Niclausse tranquillement assis devant le magasin de son fils fut violemment bousculé par un de ces traîneurs de sabre qui se pavanèrent si insolemment dans nos rues pendant quarante huit ans. La réplique ne tarda pas. Elle fut prompte, décisive, tout à la manière lorraine. Le soudard n’avait pas fait dix pas que le père de Paul Niclausse, témoin de cet acte odieux bottait superbement l’arrière-train de cet insolent personnage, sans aucun respect pour les vieillards. Quelques jours plus tard, la famille Niclausse est expulsée. Paul Niclausse avait huit ans à peine »[1].

Ce récit épique, bien dans l’esprit revanchard des années 1930, n’est cependant pas corroboré par les actes administratifs qui signalent que les Niclausse quittèrent Metz le 24 juin 1884. Paul Niclausse avait alors cinq ans ! Ils laissaient derrière eux la ville et sa cathédrale qui n’avait pas encore subi les restaurations audacieuses de Paul Tornow et d’Auguste Dujardin[2]. Après un passage à Châlons-sur-Marne où les affaires de Constant Niclausse ne prospérèrent guère, la famille, qui comptait cinq fils, s’installa à Paris en 1887.

C’est dans la capitale que le jeune Paul fit ses études secondaires au lycée Buffon avant d’étudier à l’École des Beaux-arts de 1894 à 1904. Il est alors l’élève d’Hubert Ponscarme (1827-1903) qui le forma à la gravure et à l’art de la médaille ; il fréquenta l’atelier du sévère Gabriel-Jules Thomas (1824-1905) qui l’initia à la sculpture. Etudiant travailleur et doué, il obtint force distinctions à l’École, récolta une mention au Salon de 1898, fut honoré  d’une médaille de bronze à l’Exposition universelle de 1900. Dès 1903 il devint membre du Salon des artistes français.

 

1910 : premier retour furtif

 

Niclausse commençait à obtenir ses premiers succès quand « sa santé toujours précaire s’altéra au point qu’il dut, quelque temps renoncer à son travail. A 25 ans, une grande faiblesse physique et une grande détresse morale le condamnèrent à une cure sévère de calme, de grand air et de repos »[3]. Il se retira dans un village de la Brie où il vécut, de 1905 à 1925, en empathie avec les paysans briards. Sa retraire thérapeutique lui permit peu à peu de se remettre à son art. C’est ainsi qu’en 1908 il obtint une médaille de troisième classe au Salon[4].

Son premier retour à Metz eut lieu en 1910 : il profita de l’Exposition des artistes alsaciens-lorrains, qui se tint en mai-juin, dans la nouvelle école supérieure de jeunes filles pour se faire re-connaître et montrer les deux faces de son art de médailleur et de sculpteur. Affiché au catalogue comme Niclausse Franz, Metz (z. Zt Paris), il présenta une œuvre de grande taille, en pierre, intitulée Paysans et estimée à 2400 marks ainsi qu’un cadre de neuf médailles en bronze estimé à 80 marks qui fut acquis par un anonyme.

En 1912, il reçoit du comité France-Amérique la commande d’une Cheminée monumentale pour une maison du peuple. Réformé en 1907 et non mobilisé en 1914 Niclausse travailla, dans sa maison du Bisset, au plâtre modèle à grandeur d’exécution de cette cheminée monumentale qui comportait quatre figures dont Jeune Briarde et Jeune réfugiée lorraine. Faute de crédit, la cheminée ne fut jamais réalisée et Niclausse la détruira, à l’exception des quatre figures. Mais il retravaillera, stylisera et traduira en différents matériaux la jeune réfugiée lorraine[5].

 

1928 : un don pour la ville

 

Après avoir été nommé professeur de sculpture à l’École des arts décoratifs de Paris en 1927, Niclausse se tourna à nouveau vers sa ville natale à laquelle il comptait offrir une Tête de jeune fille berrichonne. Malheureusement, ignoré à Metz, il se vit obligé de présenter au maire de la ville, Paul Vautrin, un curriculum vitae en bonne et due forme. Il se soumit de bonne grâce et non sans humour, à cette contrainte et, dans une lettre du 12 septembre 1928, il déclina ses titres et énuméra les œuvres et les commanditaires célèbres qui lui avaient déjà donné droit à la notoriété.

Cette précieuse missive ne pouvait que rasséréner le maire quant aux qualités du sculpteur qui avait l’avantage d’avoir un talent mûr, d’avoir bénéficié d’un mécénat officiel ou privé richissime, d’être professeur à Paris, d’être reconnu jusque dans les Amériques[6] et surtout… d’être Messin. Le don fut remis à la Ville le 10 octobre 1928[7]. En 1933 et en 1934, le sculpteur figura également aux expositions du Groupement des artistes mosellans (GAM), à la salle de la Mutualité, rue au Blé.

 

1933- 1935 : le monument aux morts de Metz

En 1933, plus de dix ans après le décret du 15 juillet 1922 qui enjoignait aux villes d’ériger un monument à la mémoire des soldats morts pendant la guerre de 1914-18, Metz n’avait toujours pas de véritable monument commémoratif[8]. La question de l’érection d’un tel monument avait en effet été laissée en suspens tant elle était embarrassante voire douloureuse, car les victimes messines de la guerre avaient, pour plus des trois-quarts d’entre elles, combattu sous l’uniforme allemand du Feldgraue et non sous la tenue du désormais mythique Poilu.

Les ressentiments apaisés et les douleurs relativement cicatrisées, le 7 juillet 1933, la Ville consentit à lancer un concours en ces termes : « La ville de Metz désirant commémorer le souvenir de ses enfants morts pendant la Grande Guerre, glorifier l’armée et les grands chefs qui l’ont rendue à la mère patrie, ouvre un concours pour l’érection d’un monument destiné à perpétuer le souvenir de ses enfants et sa reconnaissance pour les artisans de sa délivrance. […]. Toute liberté est laissée aux concurrents sur le caractère du monument, son architecture, les motifs de sa sculpture, les inscriptions commémoratives. Aucun nom propre ne figurera sur le monument. Seul le souvenir du maréchal Foch […] devra être évoqué ».



[1] Le Messin, 22 novembre 1933. Ce récit est repris par Yvette de la Frémondière-Dubois, dans « La Vie de Paul Niclausse », Paul Niclausse, 1879-1958, œuvre sculpté, Catalogue sommaire illustré, catalogue réalisé à l’occasion de l’exposition présentée par le musée de Meaux du 6 juillet au 16 septembre 1996.

[2] Lorsque, après la guerre de 1939-45, Niclausse gravera la médaille de la ville de Metz, il se souviendra de l’aspect de la cathédrale avant ses transformations.

[3] Léon Deshairs, « Paul Niclausse », Art et décoration, janvier 1922.

[4] Les renseignements  biographiques sont donnés par l’artiste lui-même à Paul Vautrin, maire de Metz, dans une lettre du 12 septembre 1928. D’autres biographies sont esquissées par Léon Deshairs, dans Art et Décoration, en 1922, par Gaston Varenne dans Le Pays lorrain en 1933, par Alexandre Vialatte dans l’Alsace Française, en 1919 ; celle-ci est reprise in extenso dans L’Est républicain du 14 avril 1936.

[5] Yvette de la Frémondière-Dubois, op. cit.

[6] Niclausse a notamment sculpté les bas-reliefs qui ornent le monument commémoratif de la percée de l’Isthme de Panama, offerts par la France, les Républiques américaines et l’Empire britannique.

[7] Dans les réserves du musée de Metz sous le n° d’inventaire n° 427 figure une tête intitulée jeune fille bérrichonne. Elle ressemble étonnamment aux diverses versions de la tête de la Jeune réfugiée lorraine dont celle qui est conservée au musée Despiau-Wlérik de Mont-de-Marsan

[8] Aucune des nombreuses statues dressées dans la ville depuis 1918, que ce soit Lafayette, le Poilu libérateur, Déroulède, Mangin voire la stèle de la délivrance ne pouvait jouer le rôle mémoriel assigné à la multitude de monuments aux morts érigés partout en France. 

En dépit d’une liste de candidats présélectionnés (Emmanuel Hannaux[1], Henri Legendre[2], Alfred-Alphonse Bottiau[3], Henri Bouchard[4], Maxime Real del Sarte[5], Félix Joffre[6] et…Paul Niclausse) le 22 novembre 1933, le Souvenir français revendiquant l’initiative de l’ouverture de la souscription pour le monument aux morts, proposa de renoncer au concours et de charger de l’importante commande Paul Niclausse dont il rappela l’origine messine et la notoriété. L’argument d’une économie substantielle à réaliser emporta évidemment l’adhésion du conseil municipal. Un mois plus tard, ce dernier ouvrit une ligne de crédit de 130 000 francs qui furent versés immédiatement à Paul Niclausse.

L’accord entre le Souvenir français et la Ville se fit autour d’une maquette proposée par l’artiste : « une grande pietà devant un mur où est figuré un bas relief horizontal représentant La Famille ; de part et d’autre, deux reliefs de soldats debout ». Le centre de cette composition avait la particularité d’être ouverte à de multiples interprétations symboliques ou allégoriques consensuelles : Patrie, Pietà, mère douloureuse, Ville de Metz… La famille, quant à elle, était un thème fédérateur. Les figures des deux soldats avaient été imposées à l’artiste par le Souvenir français[7]. La première pierre fut posée le 23 septembre 1934. La presse se fit largement l’écho de la manifestation et Le Lorrain publia un article sur « Paul Niclausse, un grand sculpteur lorrain »[8].

En 1934, à Paris, dans l’atelier de l’École des arts décoratifs, le travail s’organisa. Le modèle préféré de l’atelier, Raymonde Chapitel[9], était en place et portait sur ses cuisses le corps allongé du sculpteur animalier Pierre Dandelot. Henri-Marius Petit, un des meilleurs élèves de Niclausse façonnait en terre la pietà d’après la maquette de Niclausse et en profita pour modifier les proportions du torse de Raymonde de manière que la mère ne parût pas écrasée par le cadavre de son fils.

Au moment où commença la sculpture du groupe, Paul Niclausse, tout à son travail, perdit l’équilibre, tomba d’une sellette et se cassa le poignet. Pour pallier l’indisponibilité et la carence du maître, on appela à la rescousse Raymond Coulon (un autre élève) et Henri-Marius Petit. Paul Niclausse, le bras en écharpe dirigea Raymond Coulon pour les reliefs de la famille et des soldats debout. André Bourroux, le metteur aux points, acheva la réalisation de la pietà en pierre à Metz[10]. (fig 2)

Le monument fut inauguré le 11 août 1935 en présence d’Albert Lebrun président de la République. La cérémonie fut digne et dénuée du folklore patriotique revanchard et exalté qui avait caractérisé les festivités inaugurales précédentes.

Pour éviter toute interprétation tendancieuse de son œuvre, Niclausse avait pris soin de décrire lui-même le monument dans un brouillon autographe non daté : « Le monument se compose d’un groupe principal exprimant le don de la ville de Metz de l’un de ses enfants victime de la guerre. Le groupe central se profile sur une architecture très sobre afin de laisser toute sa beauté[11] au groupe central, œuvre maîtresse de haute inspiration et d’une tenue rappelant l’antique par toutes ses qualités. Le sculpteur par ce groupe a précisé l’idée de sacrifice. Par des bas-reliefs décorant l’architecture, l’idée d’espérance et de vigilance a été symbolisée. Au sommet est évoqué le foyer messin par une jeune mère allaitant son enfant entre ses aïeux. De chaque côté du bas-relief central, deux soldats, sculptés en haut-relief montent autour de ce foyer une garde vigilante ». (fig 3)

Une note dactylographiée datée du 13 juillet 1935, et probablement destinée à servir de base à un discours reprend les termes du texte autographe en y intégrant un éloge du sculpteur : « Le Maître sculpteur Paul Niclausse, enfant de Metz, chevalier de la Légion d’Honneur, Médaille d’honneur au salon des artistes français, a été désigné par son talent et son origine messine pour exécuter le monument aux enfants de Metz, morts victimes de la guerre. Le groupe central, œuvre maîtresse du monument, de haute inspiration et d’une tenue rappelant l’antique, représente la ville de Metz offrant le sacrifice d’un de ses enfants mort victime de la guerre. Une grande noblesse se dégage de la figure douloureuse symbolisant la ville de Metz. Intentionnellement le gisant est nu : des Messins étant tombés sous différents uniformes. Le bas-relief central exprime le foyer où la vie continue. De chaque côté, en haut-relief, deux soldats français montent une garde vigilante autour de ce foyer. Le sculpteur a réalisé son œuvre en pierre du terroir, pierre jaune de Jaumont. L’appareillage a été réalisé en blocs de très grandes dimensions dont les assises dégagent une idée de puissance et d’éternité ».

Personne ne fut scandalisé d’avoir sous les yeux, sculptée dans la pierre de Jaumont locale par Bourroux, Raymonde Chapitel portant le corps nu de Pierre Dandelot. On ne s’avisa pas que le poilu de gauche n’était autre que le portrait de Paul Niclausse et que le soldat de droite avait le visage d’un jeune élève du maître. Niclausse avait transcendé ces portraits pour en faire des types, porteurs de sens universel. Il avait su faire de cette massive chanteuse une image de la douleur pudique, une allégorie de la France meurtrie, de Metz blessée, et, du corps nu, non identifiable, l’image sublime de la mort innocente retrouvant le sein maternel. Image bouleversante, sans pathos et sans complaisance. Sur le bas-relief de la famille, deux grands parents admiraient une mère nourrissant son enfant : malgré la génération perdue, la vie continuait… Le soldat de la guerre de 1914-1918 et le soldat de la paix de 1934, en hauts-reliefs, étaient armés mais au repos, vigilants mais paisibles.Devant ce monument, on ne pouvait que souscrire au jugement admiratif émis par les élèves de Niclausse  « C’est toute la sculpture qui entre avec lui : le Parthénon et la cathédrale de Chartres ».

En juin 1940 les Allemands revenaient à Metz et, se comportant en vandales mutilèrent le monument de ses reliefs puis en tournèrent le sens à leur profit par une inscription éhontée.

C’est la pietà pacifiste, au langage plastique Art déco, qui resta, heureusement, à leur départ. Peu de monuments en France ont une égale force et une égale dignité. (fig 4)

 

Le buste de Pilâtre de Rozier

 

Pour échapper aux querelles intestines de préséance entre la SHAL, le Souvenir français, l’Académie de Metz et les Amis du musée qui tous revendiquaient (depuis 1912 !) l’initiative de l’érection d’un monument au célèbre aéronaute messin, le maire Paul Vautrin chargea le Bureau d’études municipal de préparer des esquisses d’un monument pour qu’enfin Pilâtre de Rozier fût honoré chez lui[12]. Emmanuel Hannaux étant décédé en 1934, le nouveau sculpteur vedette de Metz, Paul Niclausse, fut chargé du portrait en buste, grandeur nature, du navigateur. Le modèle lui fut fourni par Roger Clément, conservateur du musée qui fit venir du musée de Versailles un buste attesté, attribué à Houdon, que Niclausse reproduisit[13]. Après le temps nécessaire à la taille du buste, à l’érection du monument et à l’aménagement des abords, l’ensemble fut prêt à être inauguré le 24 juin 1934. (fig 5)

Quelques jours auparavant, un grincheux, probablement évincé du projet rêvait « d’un obélisque supportant une allégorie ailée » placé devant la gare et critiquait le monument qu’il jugeait « indigne » du héros et dont l’architecture générale, surbaissée, accusait « des lignes trop horizontales », forcément en désaccord avec la ligne symbolique élancée et mortellement dynamique du destin du célèbre aéronaute. Pour comble de malchance, le jour fixé pour l’inauguration on apprenait le décès du général Langlois, gouverneur de Metz. On comprend que l’inauguration fit moins de bruit que la mort du général et que les photographes eurent d’autres sujets de reportages, ce qui explique la rareté des images du monument[14].

Sis place de France au Fort-Moselle, quartier natal de Pilâtre de Rozier, en face de l’église Saint-Simon, le monument en pierre, était constitué d’une niche centrale surmontée d’un toit plat débordant et qui abritait, sur une stèle, le buste de Pilâtre de Rozier. De part et d’autre, deux ailes en pierre comportaient de longues inscriptions. Le modèle en plâtre du buste fut confié au musée de Metz. (fig 6)

Probablement soustrait, en 1940, aux Allemands qui détruisaient et mutilaient les monuments de bronze et traquaient les moindres images de héros français, le buste ressortit de sa cachette pour trouver une place à l’aéroport de Frescaty. Celui-ci étant fermé, on déménagea le buste à l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine où il se trouve encore.

 

Le monument à Albert 1er, roi des Belges

 

En 1934, la mort accidentelle du « roi soldat » Albert 1er, appelé aussi « le roi-chevalier », suscita une grande émotion tant en Belgique que dans les pays alliés. Le groupement des Belges de Lorraine ouvrit rapidement une souscription pour faire ériger, à Metz, un monument à celui qui était devenu un véritable héros des temps modernes. Le monument, commandé à Paul Niclausse, s’inscrivit dans un espace public un peu restreint, au carrefour de l’avenue Foch et de la rue Châtillon, tournant le dos à l’ancienne banque du Luxembourg. Il fut inauguré le 28 juin 1936.

Le roi des Belges, sur une stèle, est représenté en buste, vêtu en simple soldat et portant le casque Adrian du simple poilu. Il était encadré, à l’origine, par deux stèles qu’il dominait. Celle de gauche portait une allégorie en bas-relief intitulée l’Indépendance. La figure féminine en pied, vêtue d’un drapé à l’antique transparent, semblait affirmer son entêtement dans un geste de défi, le menton levé. La stèle de droite portait l’allégorie du Courage, un éphèbe, musclé à la romaine, et pudiquement voilé. (fig 7)

Tel qu’il est représenté sur les photographies, le monument semble avoir été conçu pour être adossé, ce que .la commission artistique n’eût certainement pas admis. A moins que, comme le laisseraient suggérer les rares descriptions de l’époque, le revers du monument ait porté deux autres allégories : la Guerre et la Paix[15]. La taille (1,80 m) et la monumentalité des figures étaient bien dans l’esprit néoclassique de l’époque[16].

En 1940, le monument fut mutilé de ses allégories. Le buste fut soustrait et probablement caché. Il fut remonté, par la suite, en lieu et place du monument.

 

1939 le buste de Paul Vautrin

À la mort de Paul Vautrin, en 1939, il était normal que l’on fît appel à Paul Niclausse pour en dresser le buste qui figure sur sa tombe au cimetière de l’est. La commande en fut passée en 1939 mais la guerre en retarda la mise en place[17]. (fig 8)

 

Œuvres en relation avec Metz

La sculpture du buste de Roger-Henri Expert, architecte de l’église Ste-Thérèse de Metz[18] est un autre témoignage, certes indirect, des relations de Paul Niclausse avec la ville de Metz. Il en est de même  de la statue de l’abbé Grégoire (dont les relations avec l’Académie nationale de Metz sont bien connues) qui se dresse… à Lunéville

 

Un sculpteur pacifiste

 

À l’époque où Metz tentait de soigner les traumatismes des occupations et des années de guerre, Niclausse, loin d’exciter les passions nationalistes et revanchardes, insuffla à la ville un nouvel espoir de grandeur apaisée, pétri d’art antique et de grandeur médiévale. Il mourut à Paris en 1958. Son éloge funèbre fut composé par Henri Bouchard (le sculpteur du premier et du dernier poilu de l’Esplanade) qui mourut deux ans après lui.

 

 

La médaille de la ville de Metz  

 

Quel repos d’échapper enfin à la grandiloquence et aux postures patriotiques et pathétiques des médailleurs de l’après Grande-Guerre ! La médaille ciselée par Paul Niclausse, après la seconde guerre mondiale, honore la ville avec la grandeur et la simplicité empreintes de pacifisme qui caractérisent le monument aux morts de Metz. Non sans audace toutefois. Le revers porte en effet une reconstruction imaginaire de la ville : à l’arrière-plan la cathédrale telle que Niclausse l’avait connue enfant, sans les restaurations que Paul Tornow lui apporta ; au plan moyen, l’hôtel de ville de Jacques-François Blondel et enfin, au premier plan, les trophées du sculpteur Le Roy. A l’avers, la ville de Metz est figurée par une femme à mi-corps tendant des fleurs. On reconnaît à nouveau, dans le profil austère de cette jeune femme, les traits de Raymonde Chapitel, le modèle de la Pietà du monument aux morts. Le champ arrière est couvert par le blason de Metz surmonté de la couronne crénelée qui fait partie des symboles de la ville. La médaille a été frappée par la Maison Arthus-Bertrand

 

Sources et bibliographie

AD 57 8Op 178

AMM 2R 31

AMM Etat civil, Fiches domiciliaires

AMM Comptes rendus des délibérations du conseil municipal 1933-1939.

Anonyme « Le monument aux morts de Metz » Souvenons-Nous, n° 10, août 1935.

Apollinaire Guillaume, « Le salon des artistes français », L’intransigeant, 29/4/1913 et 30/4/1913.

Braemer Max, « Le sculpteur Niclausse » Almanach républicain d’Alsace-Lorraine, 1919. Illus p. 53, 54, 55.

Deshairs Léon, « Paul Niclausse », Art et décoration, janvier 1922.

Frémondière-Dubois, Yvette de la, « La Vie de Paul Niclausse », Paul Niclausse, 1879-1958, œuvre sculpté, Catalogue sommaire illustré, catalogue réalisé à l’occasion de l’exposition présentée par le musée de Meaux du 6 juillet au 16 septembre 1996.

Jean Jean-Pierre, Le livre d’or du Souvenir Français, Metz, 1924.

Jean René, Gazette des beaux-arts, 1928, p. 362.

Rey Robert, Art et décoration, juillet 1926.

Saunier Charles, « La médaille française contemporaine » Art et décoration, décembre 1901.

Varenne Gaston, « Paul Niclausse », La Revue lorraine illustrée, Juillet-Août 1909, p. 100.

Vialatte Alexandre, L’Alsace-Lorraine, 10/4/1936, p. 100.

Périodiques : Le Messin 19/11/1933, 22/11/1933, 2/12/1933, L’Est Républicain 14/4/1934, Le Lorrain, 1934, 1935.

 

 

 

Illustrations

1. Tête de jeune fille berrichonne, en réalité, jeune réfugiée lorraine, plâtre, Musée de la cour d’or Metz Métropole, ©Laurianne Kieffer.

2. Nicolas Untersteller, Monument aux enfants de Metz, 1935, Huile sur toile, 124 X 97 cm, Musée de la Cour d’or Metz Métropole, inv. n° 750 ©Laurianne Kieffer.

3. Le monument aux morts, maquette 1934 ADM 8Op 178 683.

4. Le monument aux morts, détail (cliché Ch. J, Les statues de Metz, éd. Serpenoise, 1991).

5. Monument à Pilâtre de Rozier (carte postale CPF).

6. Buste de Pilâtre de Rozier, aéroport Metz-Nancy-Lorraine, (cliché CPF).

7. Monument à Albert 1er, roi des Belges (carte postale CPF).

8. Buste de Paul Vautrin, pierre, cimetière de l’est, (cliché Ch. J).

9. Médaille de la ville de Metz, 1944.



[1] Né à Metz en 1855, il avait déjà largement doté Metz de statues, dont le fameux poilu libérateur, et de bustes, dont celui de Mgr Dupont des Loges. Il mourra le 19 mai 1934 avant l’achèvement du monument aux morts.

[2] Sculpteur lorrain né près de Faulquemont, favori de la municipalité et du conservateur du musée dans l’entre-deux-guerres. Auteur à Metz du petit jeteur de pierre et de la jeune fille à la colombe et du relief du collège Rabelais au Sablon.

[3] (1889-1951) Sculpteur du relief Art déco au fronton de l’internat du lycée professionnel.

[4] (1875-1960) Sculpteur connu à Metz pour avoir, en janvier 1919, érigé la première et éphémère statue de poilu sur l’Esplanade. Il est le concepteur de l’actuel poilu messin en bronze.

[5] (1888-1954)

[6] (1903-1989) Sculpteur, dernier en date du prix de Rome !à ne pas confondre avec son homonyme maréchal.

[7] Cette actualisation forcée qui multipliait les figures de poilus, inappropriées à Metz, ôtait au monument de sa force et de son universalité. Niclausse en confia d’ailleurs l’exécution à un élève !

[8] Lors de l’inauguration, une place sur la tribune fut réservée à Paul Niclausse (et éventuellement à madame), à Nicolas Untersteller (et éventuellement à madame), à Henri Legendre et à Henri Marius Petit, élève de Niclausse.

[9] La jeune femme qui devint chanteuse réaliste sous le nom d’Anne Chapelle servit aussi de modèle pour la statue de la maternité qui figure en contrebas de l’Esplanade à Metz. Un buste en plâtre, qui est une étude pour le monument aux morts de Metz,  est conservé au musée de Mont-de-Marsan.

[10] Anecdotes racontées par le fils de Henri-Marius Petit sur le site internet consacré à son père.

[11] Les termes intensité et valeur ont été biffés.

[12] AMM 1M/180-188.

[13] Roger Clément, « Un faux buste de Pilâtre de Rozier », Les Cahiers lorrains, n° 6, juin 1934. AMM 1M 186, « Commande du buste de Pilâtre de Rozier d’après reproduction en plâtre du buste original confié par M. Clément. Pierre d’Anthéor. 

[14] Le Messin, 25 juin 1934, Le Lorrain, 23 juin 1934.

[15] AD57 8Op 178 ; Le Lorrain, juin 1936 ; L’Est républicain, 14 avril 1936.

[16] Rappelons que Paul Niclausse sculpta, en 1937, une des figures (Le Printemps) qui agrémentent le Palais de Chaillot à Paris.

[17] De ce buste on connaît un exemplaire en bronze conservé au Musée de Mont-de-Marsan et un exemplaire détenu par les héritiers Vautrin.

[18] Un exemplaire en marbre est conservé au musée des beaux arts de Bordeaux et un autre en bronze au musée de Mont-de-Marsan. 

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