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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
24 novembre 2020

Augustus Grinevald : peintre lorrain au destin contrarié

Anselme dit Augustus GRINEVALD 1819-1875

Peintre lorrain au destin contrarié

 par Marie-Agnès Mirguet

 Née Grinevald, conseiller honoraire à la Cour de cassation, arrière-petite-fille du peintre

 

marie Agnès Mirguet

 

Alors que les archives américaines répertorient le peintre A. Grinevald dans plusieurs musées, le citent dans de nombreux livres ou journaux comme ayant peint des paysages, des portraits, des scènes de la guerre de Sécession présentant un intérêt historique incontestable, cet artiste lorrain est inconnu dans son pays. La publication aux Editions des Paraiges à Metz du livre « Le destin contrarié d’un peintre lorrain : Anselme dit Augustus GRINEVALD – 1819-1875 » est l’occasion de le faire connaître et de le réhabiliter parmi les siens alors que sans le drame de la guerre franco-prussienne de 1870, il est vraisemblable qu’il aurait aussi laissé des traces dans sa région d’origine.

 

autoportrait

 Figure 1 : autoportrait

Né GRÜNEVALD, à Saint-Avold (Moselle), en 1819, aîné d’une famille nombreuse catholique, fils de ferblantier, petit-fils du premier organiste des bénédictins au service de plusieurs abbayes lorraines, naborien depuis plusieurs générations, Anselme GRINEVALD, passionné de peinture, va quitter la Lorraine en 1840 et n’y plus revenir avant un demi-siècle. Son départ correspond à son service armé dans un régiment de l’infanterie de marine, qui le conduira à séjourner plusieurs années en Martinique. Libéré de ses obligations militaires en 1847 avec le grade de sergent-major de l’armée royale française, il tentera alors l’aventure en émigrant en Amérique, comme l’ont fait un grand nombre de lorrains originaires de Moselle-Est. Bilingue comme les natifs de ces contrées, certainement formé aux arts visuels aux côtés d’artistes- peintres venus redécorer les édifices religieux du pays naborien, le peintre A. Grinevald va rapidement se faire remarquer Outre - Atlantique.

En 1850, il est répertorié sur les registres du recensement des habitants de Saint-Louis (Missouri)1 comme « french » et « painter ». A cette époque, cette ville est principalement peuplée de migrants d’origine allemande, ce qui explique certainement cette installation. C’est là qu’il rencontre sa première épouse, Louise Griesback, une migrante allemande née en 1825 à Trêves. En 1854, les journaux américains 2 font état, à Nashville dans le Tennessee, d’une grande exposition de peinture de l’artiste A. Grinevald, intitulée « The New Testament Mirror ». Elle retrace la vie du Christ de sa naissance à sa Résurrection sur de grands toiles peintes avec force détails au plus près du texte du Nouveau Testament, qualifiées par l’article de « gigantesques, comme il n’en a jamais été exposé aux Etats-Unis 3», celles-ci viennent confirmer la formation artistique du peintre auprès d’artistes spécialisés en art religieux.

Cette exposition itinérante s’arrête en 1855 à Charleston en Caroline du Sud, Etat dans lequel le peintre et sa famille s’installeront à partir de 1857 et où A. Grinevald fera une carrière remarquée. En 1859, il est répertorié sur les registres de Columbia, la capitale de cet Etat du Sud comme peintre et professeur de peinture. Dans cette ville, le peintre marquera l’histoire de la Caroline du Sud en réalisant des tableaux de style romantique montrant des paysages apaisés avant la guerre de Sécession, aujourd’hui conservés au Musée d’Art de la ville, Columbia Museum of Art, à l’Institut Historique de la Caroline du Sud et à la Bibliothèque de l’Université de la Caroline du Sud. Le panorama de Columbia 4 qu’il a peint en 1859 se retrouve dans les livres d’histoire de la Caroline du Sud, le peintre témoignant de la beauté de la ville avant the « Civil War » et qui fut totalement détruite et incendiée par le Général Sherman, en représailles et vengeance vis-à-vis de cet état à l’origine des hostilités. En 1860, le peintre s’installe à Charleston 5, « la plus belle élégante ville du Sud » 6. Il est déjà très connu 7. 

paysage

Figure 2: panorama de Columbia

Il devient l’ami du Général Robert W. Gibbes, commandant en chef du service des armées de la Caroline du Sud. Grand collectionneur, amateur d’art, ce général va l’inviter à venir peindre chez lui. Il sera son mécène. Il va le présenter à tous ses amis, le général Beauregard, chef des armées de Caroline du Sud, le Général Robert E. Lee, commandant en chef des armées confédérées. Le peintre fera le portrait de tous ces généraux sudistes, lesquels sont très appréciés car totalement ressemblants à l’original. Il fera aussi notamment celui du colonel Ambrosio José Gonzales qui se retrouve aujourd’hui sur la couverture du livre qui lui a été consacré en 2003 par Antonio Rafael de La Cova. A la veille de la guerre de Sécession, le peintre, alors prénommé « Augustus », va intégrer une milice et devenir un véritable reporter des événements de la Caroline du Sud à l’origine de ce conflit. Celui-ci assiste d’ailleurs, le 20 décembre 1860, à la réunion des parlementaires de l’Etat qui signe la Convention de Sécession.

Il reproduit cette scène sur l’illustration, qui lui est confiée, du livret contenant les paroles de l’hymne de ce nouvel Etat : « The Palmetto State Song », dont un exemplaire est aujourd’hui archivé à la bibliothèque du Congrès des Etats-Unis à Washington. Le 12 février 1861, la Caroline du Sud va déclencher les hostilités avec les Etats du Nord en attaquant le Fort Sumter construit au large des côtes, devant Charleston, tenu par les nordistes. L’armée de la Caroline du Sud va s’emparer du Fort. Les nordistes tenteront de le reprendre le 7 avril 1863. Ce jour-là, le peintre est aux premières loges avec la permission du général Beauregard pour immortaliser cette nouvelle attaque. Un des tableaux de A. Grinevald, représentant l’attaque du 7 avril 1863, a d’ailleurs été adjugé le 12 octobre 2001 chez Christie’s à New-York au prix de 94 000 dollars. Le peintre A. Grinevald reste aujourd’hui célèbre Outre atlantique pour avoir notamment peint trois épisodes majeurs du siège de Charleston.

Cependant, l’issue de la guerre de Sécession est une catastrophe pour la Caroline du Sud, en février 1865, les troupes nordistes du général Sherman s’emparent de cet Etat et incendient tout sur leur passage. Plusieurs écrits rapportent qu’un grand nombre de peintures de A. Grinevald ont brûlé dans l’incendie de la villa du Général Gibbes, où, pas moins de trois cents tableaux, ont été détruits 8. Comme la plupart des caroliniens du Sud, A. Grinevald et sa famille ont dû fuir. Le 3 octobre 1865, Louise Griesback décède et est enterrée à New York. Le peintre meurtri, ayant perdu son épouse et une grande partie de ses œuvres, rentre en France accompagné de ses deux jeunes enfants, âgés de neuf et trois ans.

Il s’installe à Saint-Avold comme peintre-photographe, s’étant initié à ce nouvel art aux Etats-Unis comme beaucoup de portraitistes. Le 13 juin 1867, il épouse Madeleine Bour, une naborienne, également veuve et mère d’un garçon. Avec elle, il aura deux autres enfants, dont Léon, l’aîné, mon futur grand-père. A Saint-Avold, A. Grinevald continue de peindre et expose cinq tableaux à la dernière grande exposition de peinture organisée en 1869 par la société des Amis des Arts sous le patronage de l’Académie impériale de Metz 9. Malheureusement, la guerre franco-prussienne de 1870 et ses conséquences briseront définitivement le destin de ce peintre lorrain, devenu allemand malgré lui. Il décédera à Saint-Avold, le 16 décembre 1875.

Deux années avant sa mort, il fera ce portrait de Madeleine Bour, sa seconde épouse, mon arrière-grand-mère. Ce tableau est à l’origine de mes recherches sur ce peintre, comme je l’explique dans le livre que je lui ai consacré. Rien ne prédestinait ce naborien à devenir célèbre dans les Etats du Sud des Etats-Unis avant la guerre de Sécession, malheureusement son destin de peintre a été contrarié par deux conflits armés subis sur deux continents différents. Le réhabiliter me parut être un devoir, alors que depuis cet aïeul, j’appartiens à la première génération à n’avoir pas eu à subir les atrocités de la guerre. Mes investigations sont sans doute encore partielles. Peut-être que la présente présentation de ce peintre m’aidera à retrouver d’autres tableaux signés « A. Grinevald ».

 

LEE                Mbour     

Figure 3 : Général Robert Lee           Figure 4 : Madeleine Bour 1873

 

 

signature

  Crédit photo Marie-Agnès Mirguet 

 

1.Cf. Ancestry. U.S.

2 Cf. chroniclingamerica.loc.gov.

3- Extrait du Nashville Union and American, octobre 1854

4 South Caroliniana Library

5 RUDLEGE Anna Wells, Artists in the life of Charleston, Philadephia, American Philosophical Society,1949. 

6 Charleston par Alexandra RIPLAY, romancière américaine, éditions Archipoche N°360.

7 Cf. un article du Daily Exchange du 23 novembre 1860

8 « Remembering Columbia » par John SHERRER III de l’Institut historique de Columbia (Caroline du Sud).

9 Cf. Catalogue de l’exposition classée aux Archives municipales de Metz.

 

Cet article sera publié prochainement dans la revue Chancels

 

Afin d'enrichir le catalogue photographique des oeuvres du peintre,

la SAAM fait appel aux éventuels collectionneurs de cet artiste pour qu'ils se signalent et confient une photographie de leur(s) toile(s).

 

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