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Société des Amis des Arts et du Musée de La Cour d'Or
8 janvier 2018

La qualité et la diversité de la production artistique de Camille Hilaire en Lorraine

La qualité et la diversité de la production artistique

de Camille Hilaire en Lorraine

par Henri Claude

 

Il y a, cette année, un siècle que Camille Hilaire est né, le 2 août 1916, rue des Allemands à Metz : comme il l’écrit lui-même, 75 ans plus tard, quand, en avril 1991, il reçoit l’hommage de sa ville natale à l’occasion de l’Exposition de ses œuvres au Musée de la Cour d’Or, exposition très admirée par les très nombreux visiteurs louant son talent et cette joie de vivre qui, répète-t-on à l’envi, émane de ses œuvres, il tient à préciser que « cette joie si communicative, si souvent soulignée, n’est pas sans ombres mais, plutôt, un fruit arraché à un destin contraire, un nécessaire antidote au désespoir des années premières » : orphelin de père à onze ans, mis, dès l’année suivante, en apprentissage chez un horticulteur puis chez un peintre en bâtiment, l’apprenti Hilaire qui « encore enfant décapait le Buffet de la gare à l’ammoniaque » parvient rapidement, guidé par sa volonté têtue de sortir de l’ornière, à « prendre grade » dans ce métier devenant même petit patron inscrit à la Chambre des Métiers. Très tôt il consacre la totalité de son temps libre à fréquenter la bibliothèque de sa ville natale où il s’applique à copier des reproductions des œuvres de Dürer, s’enhardissant à proposer des dessins de son cru : exposées dans la vitrine d’un libraire convaincu de son talent, ces œuvres sont appréciées par un bon nombre d’amateurs en particulier par Jean Giono qui, séjournant alors à Metz, tient à le rencontrer et à l’encourager. Notons que l’écrivain a écrit une formule qui, pensons nous, convient parfaitement à Hilaire riche, effectivement, de ce don si rare : « si l’on a ce don du ciel d’avoir de « beaux sens », il n’y a qu’à se servir de ces instruments là pour pénétrer le monde ».  

Le talent dont fait preuve le jeune homme n’échappe pas davantage à son compatriote mosellan né à Stiring-Wendel en 1900, Nicolas Untersteller : Premier Grand Prix de Rome en 1928, « Professeur chef d’atelier de fresques » puis Directeur de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, Membre de l’Institut en 1946, il sera, pour Hilaire, un soutien très solide et très fidèle : aussi, durant la seconde guerre mondiale au début de laquelle il fait une campagne courageuse lui valant la Croix de Guerre, Hilaire a la possibilité de suivre l’enseignement de l’Ecole des Beaux-arts parisienne dans l’Atelier d’Untersteller ; parallèlement il fréquente l’Académie d’André Lhote qui lui porte une grande estime et dont il devient l’assistant. En 1942, il épouse Simone Jance, elle-même peintre de talent, mais les circonstances les contraignent à passer en zone libre. De retour à Paris, Hilaire expose, pour la première fois, au Salon des Indépendants de 1945. C’est en 1947 qu’il retrouve sa Lorraine natale quand il est nommé professeur de dessin et de composition décorative à l’Ecole Nationale des Beaux-arts et des Arts appliqués de Nancy, école considérée alors comme la plus importante des six Ecoles Nationales de province. 

Victor Prouvé, qui en fut un excellent directeur, estimait que « tout artiste devait être doublé d’un bon ouvrier et ne devait ignorer aucun métier d’art », formule adoptée immédiatement par Charles Mathonat, le nouveau Directeur. Cela convient parfaitement à Hilaire : il trouve là, en effet, des ateliers pour les architectes, les peintres, les sculpteurs et les graveurs mais également pour les ébénistes, les ferronniers, les maîtres verriers et les lissiers.

C’est sur cette « période lorraine » qu’il nous a semblé primordial d’insister dans cet article tant elle est riche en activités gratifiantes pour Camille Hilaire qui prend, manifestement, le plus grand plaisir à s’adapter à de multiples formes d’expression artistique. Il ne néglige pas, pour autant, son métier d’enseignant et il est très apprécié par ses étudiants : ainsi mes amis, l’excellent peintre-graveur Claude Weisbuch et Claude Goutin, Premier Grand Prix de Rome, m’ont chaleureusement parlé de ce qu’ils lui doivent.

Quant à sa production peinte dont il avait détruit quasiment tout ce qu’il avait réalisé antérieurement, elle lui vaut, dès 1948, de très nombreuses satisfactions : cette année-là ses œuvres sont très remarquées à l’Exposition « Peinture française d’aujourd’hui » au Portugal et, dès l’année suivante, il est distingué par la ville de Venise parmi les jeunes artistes de talent auxquels est offert un long séjour dans la ville. Lauréat de la « Casa Vélasquez » en 1950, il est également honoré du second grand prix de Rome, distinction, certes, hautement honorifique, mais qui, hélas, ne lui vaut pas, comme le Premier Grand Prix, un long séjour à la Villa Médicis.

En tout cas, il accède, dès ces premières années nancéennes à une notoriété qui ne va cesser de croître. 

Parmi ses réalisations picturales au cours de « ses années lorraines », il nous faut citer ses très grandes peintures murales, activité qui se fait de plus en plus rare dans cette seconde moitié du XXème siècle mais dans laquelle il se trouve tout à fait à son aise. Il les réalise en particulier à Nancy, pour le grand amphithéâtre Parisot de la Faculté de médecine avec une évocation historique où figurent les principaux acteurs du développement de la Médecine en Lorraine, pour l’Ecole Nationale Supérieure de géologie appliquée et de prospection minière et pour l’Ecole Normale d’instituteurs. Il en réalise également à Metz, en 1954, au Lycée Georges de la Tour et à Pont-à-Mousson à l’occasion de la Commémoration du Centenaire des Fonderies. Quant à ses superbes dessins, à ses aquarelles (qu’il nommait « mes fruits restés sauvages ») et à ses tableaux ils sont acquis rapidement par plusieurs Musées comme celui de Poitiers (La liseuse ; Oliviers en Provence), le fonds municipal d’Art contemporain de la ville de Paris (La femme aux verreries, La grande serre), le Musée des Beaux-arts de Nancy (La serre) et celui de sa ville natale (La fille aux cheveux de lin, La maison italienne, Le chantier naval et, surtout, Le Quatuor, tableau de très grande taille).

Chantier naval 

Le chantier naval, 1955.Musée de la Cour d'or

Notons aussi que, parmi les collectionneurs, nombreux sont ceux qui acquièrent déjà une ou plusieurs œuvres de ce compatriote fort doué. 

En 1958, Camille Hilaire est nommé professeur, correcteur de dessin à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris mais il n’oublie pas, pour autant, ses amis nancéens. C’est d’ailleurs au début des années 1960 que je l’ai rencontré à plusieurs reprises, par exemple aux expositions que Roger Mossovic lui consacra à la Librairie des Arts ou lorsqu’il venait saluer ses anciens collègues de l’Ecole des Beaux-arts nancéenne qui l’accueillaient avec grand plaisir et ne manquaient pas d’évoquer devant leurs jeunes collègues l’impressionnante liste des réalisations de ce « bourreau de travail » se faisant tout à la fois, illustrateur, mosaïste (aux groupes scolaires de Boulay et de Sarreguemines et au Collège technique de Creutzwald), cartonnier de tapisseries et de vitraux, voire de décors et de costumes pour spectacles de danse ou de théâtre.

Membre, dès 1950, de l’Association des peintres-cartonniers de tapisserie dont son collègue nancéen Robert Wogenscky, ancien professeur à l’Atelier-Ecole d’Aubusson, est un des fondateurs, Hilaire va se révéler un des meilleurs spécialistes de telle sorte qu’en 1953, il participe à l’Exposition « La Tapisserie française du Moyen âge à nos jours » présentée à Rome, à Naples, à Venise : ainsi, durant un quart de siècle ses tapisseries seront présentées dans quelque soixante expositions en France, mais également dans les grandes villes d’Europe, des Etats-Unis, du Canada et même du Japon. Notons ici, avec amertume, que la plus grande de ces tapisseries (50m²) la superbe « Banque du sang » tissée en 1965 pour le Centre de Transfusion de Nancy, a été récemment l’objet d’un vol.

C’est également après son départ de l’Ecole des Beaux-arts de Nancy qu’Hilaire réalise des cartons de vitraux pour de nombreuses églises lorraines, notamment mosellanes, le département de la Moselle étant particulièrement touché par les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale : confiant dans le savoir-faire des maîtres verriers lorrains il travaille en accord avec l’atelier Benoit de Nancy dès les années 1950 : il crée des cartons pour des travaux qui sont souvent réalisés selon la technique traditionnelle verre et plomb, par exemple au « Sacré Cœur » de Sarreguemines, à Saint Maximin de Thionville et à l’église Sainte Brigide de Plappeville où il s’agit de vitraux « à personnages ». A l’église Sainte Jeanne d’Arc de Montigny-Lès-Metz, à Saint François d’Assise d’Audun-le-Tiche comme à l’église néo-gothique Saint-Clément d’Amanvillers est employée la dalle de verre alors qu’à Basse-Yutz et à Francaltroff il s’agit de dalle en cristal de Baccarat. Il fournit également des cartons pour un chantier très important à l’église de la Nativité de Bousse, pour les églises de Maizières-Lès-Metz, de Sainte-Anne de Beauregard à Nancy, de Saint-Joseph à Haute-Yutz et pour celles de Saint-Julien-Lès-Metz, de Rochonviller, de Folchviller, de Fontoy et de Woippy. 

Dans notre énumération de toutes les réalisations artistiques qu’a pu faire Hilaire en Lorraine, nous en avons sans doute omis quelques-unes tant le bilan de son activité est impressionnant.

Lors des décennies qui suivent, ses activités sont plus spectaculaires et plus commentées par la critique. Leur champ d’exécution qui s’éloigne de la Lorraine est beaucoup plus élargi. Nous n’avons aucunement l’intention, bien entendu, de les minimiser mais elles se concentrent sur son activité de peintre qui mérite, assurément d’être longuement analysée et commentée : fort heureusement, un bon nombre d’excellents ouvrages s’en sont chargé.

 Cet article est extrait de la revue Chancels 2017

éditée par la Société des Amis des Arts et du Musée de la Cour d'Or

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